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UKRAINE : A L’EST, DU RENOUVEAU


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Site web / 7 portraits / juin 2017

Pays de « confins » – comme l’indique son Ă©tymologie – situĂ© Ă  la confluence de l’Europe centrale, de la Russie et de la mer Noire, l’Ukraine tente d’affirmer son existence dans un contexte gĂ©opolitique complexe. Si l’enjeu est Ă  l’Ă©vidence territorial, il est Ă©galement culturel pour une nation que les siĂšcles ont souvent condamnĂ©e Ă  se fondre dans un ensemble plus vaste.

En lien avec l’Institut français, la fabrique documentaire propose, sous forme de feuilleton hebdomadaire, une rencontre avec sept acteurs ukrainiens de la production culturelle. Editeurs, producteurs, curateurs, galeristes, organisateurs de festival
 Dans une nation renaissante aux contours encore flous, ils incarnent une nouvelle gĂ©nĂ©ration avide de tisser des liens avec le reste de l’Europe.

(existe aussi en version anglaise)

7. Pavlo Gudimov : Moi Galerie

MalgrĂ© son air juvĂ©nile Pavlo Gudimov est un predok. Un ancĂȘtre. Hier membre du groupe rock Okean Elzy, aujourd’hui figure indĂ©pendante du monde de l’art avec son concept de Ya Gallery, « Moi Galerie »…

Pavlo Gudimov
[Pavlo Gudimov Ă  la Ya Gallery, Kiev, avril 2017 – photo : Olga Ivashchenko]

SituĂ©e depuis 2007 dans le quartier du Podil, la ville basse au bord du Dniepr, la Ya Gallery et les projets qui l’accompagnent, Ya Design, Artbook, Gudimov (autour de la musique), s’étendent jusqu’à Dnipro (ex-Dniepropetrovsk, troisiĂšme ville d’Ukraine situĂ©e Ă  l’est du pays) oĂč Pavlo Gudimov a installĂ© en 2010 une succursale. Mais son influence se situe bien au-delĂ  encore. Sur les cimaises de la Saatchi Gallery de Londres ou dans la ville rose de Toulouse par exemple. Le projet se dĂ©ploie dans le temps et l’espace depuis tout juste dix ans.

Pourquoi s’implanter dans ce quartier oĂč l’histoire industrielle croise celle du commerce ? « C’est une Ă©vidence. Ici il y a un mixage rĂ©ussi entre l’histoire et le contemporain. Au XIXe siĂšcle, de nombreux peintres sont venus s’y installer. L’universitĂ© de Mohyla est tout proche. » En 1992 cette universitĂ© ancestrale avait su se renouveler de fond en comble avec une mĂ©thode d’éducation plus ouverte sur le monde. Une nouvelle ligne se profile alors Ă  l’horizon. L’époque, le temps s’y prĂȘtent. La jeunesse est lĂ . Le vieux monde, las.

Flash-back

Pour s’approcher de Pavlo il nous faut changer de focale. En somme Ă©largir notre champ de vision afin de mieux suivre Ă  travers ses multiples vies le cours sinueux des changements culturels de l’Ukraine.

NĂ© en 1973 Ă  Lviv, alors centre culturel rĂ©putĂ©, il est le petit-fils d’un architecte qui pratique la photo. Celui-ci joue pour le petit Pacha, surnom de Pavlo, le rĂŽle de passeur : « Il est celui qui me relie Ă  l’art moderne des Picasso, Fernand LĂ©ger… » En 1981, il commence Ă  Ă©tudier le français. Il reçoit une formation de paysagiste. Son entrĂ©e dans l’ñge adulte coĂŻncide avec le moment oĂč son pays pousse la porte de l’indĂ©pendance, en 1991. Il quitte l’école, rĂȘve de devenir guitariste. Il cofonde avec trois autres membres le groupe de rock Okean Elzy, avant de prendre la tangente. Direction Kiev.

5 albums et 14 ans plus tard, Pavlo quitte le groupe en 2005. « J’avais une carriĂšre. DerriĂšre et devant moi. A chaque manifestation, on nous Ă©coutait. Mais aprĂšs la RĂ©volution Orange, en 2004, j’ai pensĂ© que c’était le moment idĂ©al pour rĂ©aliser d’autres rĂȘves artistiques. »

                   « Pour moi, le vrai changement vient de ma vie »

 

« Ce qui m’intĂ©ressait vraiment dans mon activitĂ© de musicien, c’était de rencontrer de nouvelles personnes. » Toujours Ă©largir sa ligne d’horizon, Ă©paissir le mystĂšre des relations. « J’apprĂ©cie quand les territoires se croisent. » A plusieurs reprises Pavlo utilise le terme de mixage. « Cela Ă©vite l’isolement. C’est surtout une nouvelle Ă©tape. Il faut que les arts se croisent, interfĂšrent, se nourrissent. Comme les avant-gardes des annĂ©es 1920 ont su le faire, les annĂ©es 1960, via Khrouchtchev, qui ont donnĂ© naissance Ă  une seconde avant-garde. Nous sommes riches de tout cela. »

Pavlo Gudimov, en 2005, vous ĂȘtes une personnalitĂ© publique, jouant dans un groupe rĂ©putĂ©. Vous quittez le groupe et deux ans plus tard vous ouvrez une galerie d’art contemporain. Pourquoi ?
Pavlo Gudimov :
En fait dĂšs 2001, j’avais crĂ©Ă© le studio Ya Design. Une initiative pluridisciplinaire dans laquelle se retrouvaient diffĂ©rents concepteurs expĂ©rimentaux aptes Ă  nourrir des projets artistiques. A cette Ă©poque, il existait de nombreux travaux amateurs dans le champ artistique. On pourrait comparer cela au Sound System, avec beaucoup de crĂ©ativitĂ©, d’énergie. Au bout de cinq ans nous nous sommes dit qu’il fallait peut-ĂȘtre mieux structurer tout cela et apporter une dimension professionnelle. C’est dans cet esprit qu’est nĂ© Ya Gallery Art Center, avec l’envie de donner la possibilitĂ© aux artistes de travailler avec des collectionneurs.
Cependant le volet artistique a Ă©tĂ© sĂ©parĂ© du centre d’art. Ya Design fait maintenant partie du projet artistique Gudimov d’exploitation culturelle en lien avec l’architecture, le design d’intĂ©rieur, la conception de paysage, la conception graphique et web. Sans oublier l’édition avec des catalogues qui accompagnent les projets du Art Center et ses auteurs.

Que signifie travailler de maniĂšre indĂ©pendante dans l’art contemporain en Ukraine ?
Pour Ya Gallery, ĂȘtre indĂ©pendant, cela signifie travailler sans le systĂšme. Eh oui : contrairement Ă  la France par exemple, ici les structures culturelles n’ont pas cette tradition de travailler avec l’Etat. En fait, nous dĂ©veloppons une forme de mĂ©cĂ©nat avec des fondations privĂ©es. Toutefois, depuis l’ouverture en 2007, les choses ont Ă©voluĂ© et moi aussi j’ai changĂ©. Ma position de citoyen s’est affirmĂ©e et mon rĂŽle social est celui d’un manager de la culture. Aussi nous travaillons pour le ministĂšre de la Culture en leur apportant du conseil.

Vous avez des exemples ?
Nous travaillons avec les musĂ©es artistiques nationaux de Kiev, de Lviv, et avec les musĂ©es d’art d’autres villes. Au total une dizaine. Nous les accompagnons dans leur rĂ©flexion autour de leur collection. Nous jouons le rĂŽle de curateur, de musĂ©ographe et nous essayons de mixer les Ă©poques. Pour monter tout cela, nous travaillons Ă©galement avec des fondations privĂ©es. Vous savez le changement est possible dans notre pays. Montrer l’énergie qu’il y a dans l’art contemporain c’est une aussi une responsabilitĂ© sociale.

« Le changement est possible dans notre pays.
Montrer l’énergie qu’il y a dans l’art contemporain
est une aussi une responsabilité sociale »

 

Le terme de mixage revient souvent dans vos propos : mixage historique au sujet de votre implantation dans le quartier du Podil, mixage des arts
 C’est important ce besoin de croiser les genres ?
Ce qui fait la richesse du quartier du Podil ce sont toutes les sĂ©dimentations historiques qui le composent, depuis ses populations hĂ©tĂ©rogĂšnes, marchands, ouvriers, peintres, en passant par les bĂątiments de styles diffĂ©rents qui abritent aussi bien des bureaux que des galeries, des thĂ©Ăątres, des bouquinistes… Nous sommes situĂ©s Ă  ce carrefour. Ya Gallery est conçu comme un territoire de communication qui rend les choses possibles. C’est pourquoi nous travaillons avec de nombreux curateurs. Ce fut le cas pour l’exposition consacrĂ©e au film de SergueĂŻ Paradjanov, Les Chevaux de feu (1964) au musĂ©e national de l’Arsenal (Kiev) avec le Culture Museum Complex en 2016. Un projet Ă  la fois culturel sur une Ɠuvre cinĂ©matographique importante dont le tournage eut lieu dans les Carpates et le montage dans les studios Dovjenkho Ă  Kiev ; mais aussi artistique Ă  travers des travaux spĂ©cifiques qui relisaient l’Ɠuvre du maĂźtre. C’est une Ă©poque Ă  laquelle nous avons envie de nous rĂ©fĂ©rer car ce fut en URSS une pĂ©riode rĂ©volutionnaire sur le plan artistique, avec de nouvelles formes de libertĂ©. C’est cela que nous faisons, crĂ©er des ponts afin de propager l’art Ă  un plus grand auditoire. Et ce n’est pas de la propagande.

Propos recueillis Ă  Kiev et Ă  Paris par SĂ©bastien Lecordier

Exposition "Shadows of the Forgotten Ancestors"
[Exposition « Shadows of Forgotten Ancestors » (« Les Chevaux de feu »), MusĂ©e national de l’Arsenal, Kiev, 23 mars – 10 avril 2016]

6. Ivan Kozlenko et Olga Zhuk,
Centre national Oleksandr Dovzhenko

 A la tĂȘte du Centre national Oleksandr Dovzhenko, du nom du cĂ©lĂšbre cinĂ©aste ukraino-soviĂ©tique, Ivan Kozlenko et Olga Zhuk ont pour mission de mettre en lumiĂšre le patrimoine cinĂ©matographique ukrainien.

Ivan Kozlenko

[Ivan Kozlenko et Olga Zhuk au Centre national Oleksandr Dovzhenko, Holosivski, mars 2017 – photos: Olga Ivashchenko]

Dans le faubourg de Holosivski, Ă  l’architecture socialiste marquĂ©e, s’élĂšve un vaisseau de briques et de carreaux pas comme les autres. L’usine d’impression de films sur pellicules de Kiev a Ă©tĂ© construite en 1948 par des prisonniers soviĂ©tiques et des ouvriers locaux, sur les plans de spĂ©cialistes venus de Leningrad (actuelle Saint-Petersbourg). TrĂšs vite, l’usine a portĂ© le nom d’Oleksandr Dovzhenko (Alexandre Dovjenko), mythique rĂ©alisateur ukraino-soviĂ©tique (La Terre, 1930) et figure tutĂ©laire des cinĂ©mas de Kiev.

Durant ces dĂ©cennies, des kilomĂštres de pellicules ont Ă©tĂ© fabriquĂ©s dans le laboratoire chimique de l’usine, toujours en activitĂ©, bien qu’à une plus petite Ă©chelle. Au tournant des annĂ©es 2000, l’usine a pĂ©riclitĂ© et en 2007, l’Etat a vendu une partie des bĂątiments pour financer l’installation dans l’usine des archives nationales du cinĂ©ma ukrainien. Il faut dire que les bobines de plus de 5000 films dorment dans cette usine majestueuse.

En 2014, Ivan Kozlenko a Ă©tĂ© nommĂ© directeur du Centre national Oleksandr Dovzhenko, il a pour feuille de route de faire de ce lieu la rĂ©fĂ©rence majeure du cinĂ©ma ukrainien, une cinĂ©mathĂšque de renommĂ©e internationale. En pĂ©riode de crise Ă©conomique, alors que le secteur public s’éveille tout doucement Ă  la diplomatie culturelle, le chemin est encore long. Mais Ivan Kozlenko, ainsi qu’Olga Zhuk, sa directrice artistique, ont lancĂ© plusieurs projets, dont un musĂ©e du cinĂ©ma qui devrait ouvrir Ă  l’automne 2017.

Comment fonctionne le Centre national Oleksandr Dovzhenko ?
Ivan Kozlenko :
Le centre Dovzhenko a Ă©tĂ© Ă©tabli en 1994 en tant que centre national d’archive du film ukrainien. Nous sommes une institution d’Etat, sous la tutelle du ministĂšre de la Culture. Nous employons 40 personnes : certains ouvriers travaillent aux laboratoires depuis les annĂ©es 1960 et maĂźtrisent sur le bout des doigts le processus d’impression chimique d’un film, on trouve aussi un dĂ©partement de recherche, de promotion, ainsi qu’un patrimoine bĂąti trĂšs important.
Seulement, le numĂ©rique s’est imposĂ©, et quand je suis arrivĂ© comme directeur en 2014, j’ai compris que l’ùre du stockage matĂ©riel touchait Ă  sa fin et que l’impression du film sur pellicule ne permettrait plus de gĂ©nĂ©rer de revenu. Nous avons dĂ» nous rĂ©inventer pour trouver une nouvelle identitĂ© et nous avons dĂ©cidĂ© de complĂštement rĂ©amĂ©nager cet environnement post-industriel pour en faire un projet culturel majeur.

A quoi va ressemble le futur centre ?
Olga Zhuk
: C’est l’institution la plus importante de l’histoire ukrainienne en matiĂšre de cinĂ©matographie. Il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© d’en faire une institution culturelle plus ouverte avec une mission Ă©ducative et expĂ©rimentale. Le centre va accĂ©lĂ©rer ses activitĂ©s l’automne prochain avec l’ouverture d’un musĂ©e du film, une librairie, un lieu dĂ©diĂ© aux musiques vivantes, une Ă©cole de photographie

Ivan Kozlenko : Nous avons rĂ©novĂ© une bonne partie du bĂątiment, dĂ©sormais nous devons travailler sur le design. A la fin de la rĂ©novation Ă  l’automne, le musĂ©e ouvrira dans deux grands halls d’exposition. Nous avons dans l’idĂ©e de louer notre grande surface de toit pour y organiser des concerts. C’est un projet qui se veut collaboratif car durant l’annĂ©e 2014, celle de la rĂ©volution, nous n’avions pas de financements gouvernementaux et nous avons dĂ» rĂ©soudre tous les problĂšmes par nous-mĂȘmes. Nous avons dĂ» collaborer avec de nouveaux partenaires, comme le Festival d’art contemporain, la compagnie de thĂ©Ăątre Dakh de Vlad Troitsky, etc.

« Notre équipe de recherche explore le cinéma ukrainien »

 

Le centre Dovzhenko a-t-il vocation principale à toucher le public ukrainien ou à s’ouvrir sur l’international ?
Olga Zhuk
: Nous visons le public le plus large possible, notamment en mettant l’accent sur les enfants et les adolescents. Nous allons Ă©galement promouvoir le film ukrainien Ă  l’étranger en mettant Ă  disposition des copies pour des institutions cinĂ©matographiques internationales. Notre Ă©quipe de recherche explore le cinĂ©ma ukrainien. Par exemple nous faisons un gros travail autour du film muet, que nous mettons en Ă©vĂ©nements avec de la musique live : ça marche particuliĂšrement bien, Ă  Kiev, mais aussi dans d’autres villes d’Ukraine.
Ivan Kozlenko : Malheureusement, nous devons encore faire face Ă  un manque de cadre lĂ©gislatif. Nous sommes certes sous la co-tutelle du ministĂšre de la Culture et de l’Agence nationale du film ukrainien (DerzhKino), mais la loi ne nous reconnaĂźt pas encore exactement comme archive nationale. NĂ©anmoins une loi est en prĂ©paration au parlement, et nous espĂ©rons qu’elle sera passĂ©e prochainement. Alors, pour faire fonctionner cette cinĂ©mathĂšque ukrainienne, nous pourrons prendre exemple sur ce que font le British Film Institute (BFI) Ă  Londres, ou bien encore les Archives du film tchĂšque Ă  Prague. Ils ont une activitĂ© intĂ©ressante de promotion Ă  l’étranger, ce que nous souhaiterions Ă©galement dĂ©velopper.

Propos recueillis à Holosivski par Stéphane Siohan


[Site Internet du Centre national Oleksandr Dovzhenko – capture d’écran]

5. Svitlana Smal et Victoria Leshchenko : l’action documentaire de Docudays UA

Svitlana Smal et Victoria Leshchenko coordonnent Ă  Kiev Docudays UA : un festival international de films documentaires consacrĂ©s aux droits humains, dont l’action et l’ambition dĂ©bordent largement le champ du cinĂ©ma.

Svitlana Smal et Victoria Leshchenko
[Svitlana Smal (gauche) et Victoria Leshchenko Ă  Kiev, dĂ©cembre 2016 – photo : Olga Ivashchenko]

Qu’est-ce que le festival Docudays UA ?
Svitlana Smal et Victoria Leshchenko : Docudays UA est un festival de cinĂ©ma documentaire consacrĂ© aux droits humains, sujet qui laisse un assez vaste choix de programmation. Depuis 2003, il se tient chaque annĂ©e Ă  Kiev durant la derniĂšre semaine de mars. Le festival comporte quatre sĂ©lections compĂ©titives, dont une de courts mĂ©trages et une de documentaires ukrainiens. Les projections suivies de dĂ©bats, cƓur du festival, s’accompagnent de rencontres professionnelles et de master classes avec des rĂ©alisateurs.
La 14e Ă©dition aura lieu trĂšs prochainement, du 24 au 31 mars 2017. En 2016, la 13e Ă©dition, suivie par plus de 27 000 spectateurs dans trois cinĂ©mas de la capitale ukrainienne, avait accueilli 96 films, dont 45 en compĂ©tition, autour du thĂšme “Au-delĂ  des illusions”. En prĂšs de quinze ans d’existence, le festival a su se tailler une belle notoriĂ©tĂ© internationale, se soldant par des partenariats avec des institutions comme the Institute of Documentary Film (Prague), the Krakow Film Foundation (Cracovie), Sheffield Doc/Fest, Dok Leipzig, CinĂ©DOC-Tbilisi, le quotidien britannique The Guardian…
Nos financements viennent essentiellement de l’Agence suĂ©doise pour le dĂ©veloppement et la coopĂ©ration internationale, ainsi que de la International Renaissance Foundation (Kiev, membre du rĂ©seau des fondations Open Society), de la DĂ©lĂ©gation de l’Union europĂ©enne pour l’Ukraine et du National Endowment for Democracy (Etats-Unis). L’Agence publique du film ukrainien (Ukrainian State Film Agency) est Ă©galement un partenaire fiable, dont la contribution est fixĂ©e annuellement. MalgrĂ© la situation difficile Ă  l’Est du pays, elle nous a accordĂ© en 2016 une aide de 150 000 Hryvnia (environ 5 300 euros), en plus de sa protection et d’un important soutien administratif.
Nous avons enfin des revenus propres, mais ils sont assez faibles car notre politique est de rendre le documentaire le plus accessible possible aux Ukrainien/nes, ce qui se traduit par des sĂ©ances dont l’entrĂ©e est gratuite ou Ă  prix trĂšs rĂ©duit (de l’ordre de 20 Hv, soit environ 0,70 €).

Au-delà de l’organisation d’un festival à Kiev, comment tentez-vous de rendre le documentaire accessible aux Ukrainien/nes ?
Nous travaillons notamment dans deux directions : production et recension de films documentaires traitant de la rĂ©alitĂ© ukrainienne, Ă©largissement gĂ©ographique et numĂ©rique de la diffusion documentaire. Docudays UA connaĂźt d’abord un prolongement important chaque automne et durant l’hiver : le festival devient alors itinĂ©rant dans la quasi-totalitĂ© des 25 rĂ©gions (oblast) de l’Ukraine et ce, jusque dans le Donbass (partie non-occupĂ©e) en conflit et mĂȘme en CrimĂ©e sous contrĂŽle russe depuis 2014. En 2016, le festival itinĂ©rant Docudays UA Traveling Festival a ainsi rassemblĂ© plus de 110 000 personnes dans 238 villes et villages de l’Ukraine. De plus, nous fĂ©dĂ©rons un rĂ©seau de 200 cinĂ©-clubs dĂ©diĂ©s Ă  l’Ă©ducation populaire aux droits humains. L’annĂ©e derniĂšre, ceux-ci ont accueilli prĂšs de 50 000 spectateurs.
Notre petite Ă©quipe, une quinzaine de personnes en tout, produit et rĂ©alise Ă©galement des documentaires sur la rĂ©alitĂ© ukrainienne. L’un d’entre eux, Ukrainian Sheriffs (Roman Bondarchuk, 2015) relatant les tribulations de deux gardiens de la paix improvisĂ©s dans un village au sud du pays, a connu un grand succĂšs : Prix spĂ©cial du jury de l’International Documentary Filmfestival d’Amsterdam 2015, nomination pour reprĂ©senter l’Ukraine dans la compĂ©tition pour l’Oscar du meilleur film Ă©tranger 2016. Par ailleurs, nous achetons des droits Ă  des producteurs et rĂ©alisateurs ukrainiens afin de pouvoir montrer leurs films pendant cinq ans : Ă  ce jour, nous disposons d’une collection d’une cinquantaine de documentaires. Depuis peu, nous proposons la sortie en salles de certains de ces films, et le public est au rendez-vous. Enfin, nous disposons d’une plateforme de diffusion en ligne, Docuspace.org, oĂč nombre de ces films, ceux qui portent sur les droits humains en Ukraine, peuvent ĂȘtre vus gratuitement.

« La diffusion du cinéma documentaire est importante
pour la constitution d’une sociĂ©tĂ© civile en Ukraine »

 

En quoi cette action documentaire vous semble-t-elle utile en Ukraine aujourd’hui ?
A Docudays UA, nous pensons que la production et la diffusion de ces films est importante pour la constitution d’une sociĂ©tĂ© civile : le moins que l’on puisse dire est que l’éducation aux droits humains, Ă  la conscience citoyenne, Ă  la conscience politique au sens large, n’est pas dans les prioritĂ©s de l’action publique en Ukraine. Or nous croyons en le pouvoir d’éducation populaire du documentaire. En son pouvoir d’émotion. En son pouvoir d’éducation. En sa capacitĂ© Ă  transmettre de la connaissance et Ă  susciter de la mobilisation.

Propos recueillis Ă  Kiev par Benjamin Bibas et Francky Blandeau

Docudays UA

4. Marina Orekhova, productrice documentaire indépendante

Productrice de documentaires basĂ©e Ă  Kiev, Marina Orekhova Ă©voque le bouillonnement audiovisuel ukrainien et son ouverture sur le reste de l’Europe.

Marina Orekhova
[Marina Orekhova Ă  Kiev, dĂ©cembre 2016 – photo : Olga Ivashchenko]

NĂ©e Ă  Kiev en 1980, Marina Orekhova y exerce depuis prĂšs d’une dizaine d’annĂ©es le mĂ©tier de productrice exĂ©cutive indĂ©pendante. Active dans le champ du documentaire, elle met son expĂ©rience au service de productions tĂ©lĂ©visuelles ukrainiennes ou plus souvent internationales. Parmi ses derniers travaux, The Russian Woodpecker (Chad Gracia, 2015), film sur les causes de la catastrophe nuclĂ©aire de Tchernobyl, premier prix du Documentaire international au festival de Sundance 2015.

Auparavant, Marina Orekhova a Ă©tĂ© pendant trois ans directrice exĂ©cutive de Molodist, festival international du film de Kiev. Ses partenaires de travail actuels sont pour la plupart des producteurs dĂ©lĂ©guĂ©s ou des cinĂ©astes qu’elle y a rencontrĂ©s. De lĂ  est venue l’envie de faire des films, dans le sens le plus concret du terme : « je ne suis pas le genre de personnes qui a de grandes idĂ©es, plutĂŽt de celles qui rendent les choses opĂ©rantes ». Son parcours et son mĂ©tier l’ont d’emblĂ©e ouverte sur le vaste monde : Ă  l’inverse de nombre de ses contemporains, elle n’a pas fait la dĂ©marche de s’exiler longuement. A l’avenir, elle aimerait quitter le domaine parfois aride du documentaire pour aborder celui, plus crĂ©atif et plus rĂ©munĂ©rateur, de la fiction.

En quoi consiste le métier de productrice exécutive à Kiev ?
Marina Orekhova :
A Kiev comme ailleurs, ĂȘtre productrice exĂ©cutive requiert beaucoup d’énergie : il faut ĂȘtre Ă  l’écoute des idĂ©es souvent impossibles des rĂ©alisateurs, et surtout ĂȘtre capable de les matĂ©rialiser. En Ukraine, ce n’est pas simple pour au moins deux raisons. D’une part, l’économie audiovisuelle est entiĂšrement tournĂ©e vers les grosses productions commerciales. Du coup, pour les petites productions documentaires, ce n’est pas simple : le matĂ©riel, les accessoires, les lumiĂšres
 tout doit ĂȘtre trouvĂ© Ă  la force de la dĂ©brouille. D’autre part, le rapport aux autoritĂ©s est compliquĂ©. Dans 99 % de mes tournages, je travaille avec des Ă©quipes Ă©trangĂšres qui n’ont aucune expĂ©rience de l’administration ukrainienne et de ses lourdeurs hĂ©ritĂ©es du systĂšme soviĂ©tique. Il leur faut une compĂ©tence locale pour obtenir des autorisations de tous ordres, et c’est un des rĂŽles importants que je tiens. Dans ces conditions, produire des documentaires ambitieux est particuliĂšrement excitant : leur bonne mise en oeuvre est toujours improbable, elle ne dĂ©pend que de votre engagement et de votre crĂ©ativitĂ©, c’est toujours une victoire lorsqu’un tournage est rĂ©ussi !
Ce qui fonctionne bien en revanche Ă  Kiev, c’est la qualitĂ© de nos techniciens. Ceux-ci sont bien formĂ©s, ils ont Ă©tĂ© Ă  bonne Ă©cole et bĂ©nĂ©ficient d’une culture cinĂ©matographique oĂč dominent de grandes figures comme le cinĂ©aste ukraino-soviĂ©tique Alexandre Dovjenko (La Terre, 1930) ou encore SergueĂŻ Paradjanov, qui a beaucoup tournĂ© en Ukraine (notamment Les Chevaux de feu, 1964). D’une façon gĂ©nĂ©rale, le milieu de l’audiovisuel et de la culture est bouillonnant Ă  Kiev : il y a de l’énergie, de la curiositĂ©, de l’envie de faire, une sociĂ©tĂ© en demande de films et vous disposez d’une grande autonomie dans votre travail. C’est un excellent lieu pour produire des films lorsqu’on est un rĂ©alisateur jeune ou d’ñge moyen.

« J’aimerais que des hommes politiques
ou des entrepreneurs ukrainiens
prennent davantage l’initiative
de financer de petits centres d’art »

 

Depuis votre mĂ©tier, quel regard portez-vous sur l’Europe ?
Depuis deux ou trois ans, si la scĂšne audiovisuelle ukrainienne est florissante, c’est grĂące Ă  l’Europe. Des films ukrainiens sont rĂ©guliĂšrement sĂ©lectionnĂ©s dans des festivals europĂ©ens. Les auteurs, producteurs, rĂ©alisateurs ukrainiens bĂ©nĂ©ficient de l’attrait des institutions europĂ©ennes pour l’Europe de l’Est : ils peuvent ainsi Ă©tudier dans des Ă©coles de cinĂ©ma en Pologne ou aux Pays-Bas, obtenir des bourses d’Ă©criture, etc. Nous sentons que l’Europe nous est ouverte. Dans mon mĂ©tier spĂ©cifique par exemple, les producteurs ukrainiens ont besoin de se former Ă  prĂ©senter de façon convaincante un projet de film Ă  des bailleurs… eh bien il suffit d’aller voir ce qui passe dans d’autres pays europĂ©ens et d’apprendre ! Et ces Ă©changes n’en sont qu’Ă  leurs dĂ©buts. Du coup je me sens bien Ă  Kiev aujourd’hui, personnellement et professionnellement : vivre Ă  Kiev permet d’avoir accĂšs Ă  toute cette ouverture.
Sur le plan des institutions culturelles, l’Europe est aussi un modĂšle : quand on voit la CinĂ©mathĂšque allemande Ă  Berlin ou la CinĂ©mathĂšque française Ă  Paris, la qualitĂ© de leurs expositions et de leurs mĂ©diathĂšques, et surtout les files d’attente qui se forment devant leurs guichets dĂšs le matin en semaine pour voir des films du monde entier… On se dit que les institutions culturelles ukrainiennes sont encore loin de ce niveau d’activitĂ©. Or il y a de l’argent dans ce pays. J’aimerais que des hommes politiques ou des entrepreneurs ukrainiens prennent davantage l’initiative de financer des petits centres d’art, des laboratoires culturels, des galeries, afin que toute la crĂ©ativitĂ© de la jeunesse puisse s’exprimer.

« Kiev est une ville déprimante sur le plan politique,
mais enthousiasmante sur le plan culturel »

 

Vous parlez de Kiev comme d’une ville ouverte sur l’Europe, bouillonnante d’Ă©nergie et de crĂ©ativitĂ©. C’est l’effet EuromaĂŻdan ?
Absolument pas. Les Ă©vĂ©nements d’EuromaĂŻdan en 2013-2014 ont certes Ă©branlĂ© ce pays, ce fut une immense expĂ©rience de libertĂ©. Mais trois ans aprĂšs, nous avons compris que tout ce que nous avions combattu, notamment la corruption et l’utilisation des institutions publiques Ă  des fins personnelles, sont encore lĂ . Les visages ont changĂ©, mais les pratiques demeurent. De ce point de vue, Kiev est une ville enthousiasmante sur le plan culturel, mais dĂ©primante sur le plan politique. Car nous avons dĂ©jĂ  connu cette sensation aprĂšs la RĂ©volution Orange de 2004-2005… sauf qu’Ă  l’Ă©poque, malgrĂ© des heurts importants Ă  Kiev, il n’y avait pas eu de morts. Neuf ans plus tard, une centaine de personnes ont perdu la vie sur la place MaĂŻdan en fĂ©vrier 2014. J’espĂšre – et Ă  nous de faire en sorte, qu’ils ne soient pas morts en vain.

Propos recueillis Ă  Kiev par SĂ©bastien Lecordier et Benjamin Bibas

The Russian Woodpecker (Chad Gracia, 2015)

3. Mikhailo Glubokyi (Izolyatsia),
déplacé culturel

L’histoire de Mikhailo Glubokyi se confond avec celle du centre d’art Izolyatsia : du fait du conflit Ă  l’est de l’Ukraine, tous deux ont Ă©tĂ© dĂ©placĂ©s de Donetsk Ă  Kiev.

Mykhailo Glubokyi - Izolyatsia
[Mikhailo Glubokyi devant une photo de l’artiste polonaise Alicja Rogalska Ă  Izolyatsia, Kiev, dĂ©cembre 2016 – photo : Olga Ivashchenko]

Sur sa page Facebook, Mikhailo Glubokyi prĂ©sente son poste de travail avec humour : gourou de l’information technique pour la fondation Izolyatsia, une plateforme dĂ©diĂ©e aux initiatives culturelles. DiplĂŽmĂ© de l’UniversitĂ© Technique de Donetsk, dans la rĂ©gion du Donbass (sud-est de l’Ukraine), Mikhailo occupe de nombreuses fonctions au sein de la fondation : coordinateur, programmateur, directeur de la communication. Izolyatsia compte vingt-huit salariĂ©s rĂ©partis entre la plateforme et la « Izone », un espace Ă©tendu sur deux Ă©tages dĂ©diĂ©s au co-working et aux lab. L’organisation est souple, lĂ©gĂšre, avec un fonctionnement horizontal et peu de rapports hiĂ©rarchisĂ©s. L’énergie du lieu provient de l’interaction importante qui existe aussi bien entre les personnes internes Ă  l’organisation qu’extĂ©rieures Ă  elle, comme les artistes en rĂ©sidence ou locaux.

ÂgĂ© de 30 ans, Mikhailo Glubokyi est nĂ© dans le sud-est de l’Ukraine, prĂšs de Donetsk. C’est en terminant ses Ă©tudes Ă  Varsovie qu’il dĂ©couvre la vitalitĂ© des centres culturels et de l’art contemporain. De retour Ă  Donetsk en 2011, il se rend dans l’unique lieu de la ville oĂč s’entremĂȘlent engagement artistique, culturel et citoyen, Izolyatsia. CrĂ©Ă© un an plus tĂŽt par Luba Michailova, Izolyatsia est une organisation non gouvernementale Ă  but non lucratif. Le pĂšre de Luba Michailova a fait fortune dans l’acier. C’est avec son hĂ©ritage qu’elle dĂ©cide de crĂ©er un centre d’art dans l’usine familiale dĂ©saffectĂ©e. TrĂšs rapidement, celui-ci intĂšgre le rĂ©seau Trans Europe Halles qui rĂ©unit 70 membres dans 28 pays, dont Mains d’Ɠuvres Ă  Saint-Ouen. En 2014 le centre est contraint Ă  l’exil, dĂ©placĂ© manu militari par des sĂ©paratistes pro-russes (pour voir ce que les autoritĂ©s paramilitaires pro-russes de Donetsk pensaient en 2014 d’Izolyatsia, on consultera avec intĂ©rĂȘt cette vidĂ©o).

« Notre mission principale est de
préserver notre patrimoine industriel en le liant
à la nouvelle culture numérique »

 

C’est au bord du Dniepr, Ă  Kiev, qu’Izolyatsia accoste. RĂ©miniscence de Donetsk, le centre d’art investit Ă©galement une ancienne usine, de chantier naval cette fois-ci. La dimension industrielle Ă©tait incluse au cahier des charges. Izolyatsia signifie « isolation ». A l’époque, c’était ce type de matĂ©riau que produisait l’usine de Donetsk. L’industrie d’hier est devenue le patrimoine d’aujourd’hui.

A l’intĂ©rieur de cet immense cube aux briques grisĂątres, trois Ă©tages multifonctions. Tout type d’évĂšnement est accueilli : festivals, expositions, concerts, confĂ©rences, lectures, ateliers. L’important est de crĂ©er des synergies entre diffĂ©rents acteurs, qu’ils soient locaux, nationaux ou internationaux.

Ainsi, l’exposition « Blue Box. Common Places and Contemporary Artistic Practices ». Des curateurs internationaux invitent des artistes Ă  rĂ©pondre Ă  des problĂšmes spĂ©cifiques rencontrĂ©s Ă  Kiev, Minsk, Tbilissi, Varsovie et Chisinau. C’est par exemple Ă  Chisinau, capitale de la Moldavie, que travaille Alicja Rogalska. Par la photographie et le mĂ©dium vidĂ©o, elle met en lumiĂšre un problĂšme d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral en Moldavie : la difficultĂ© d’avoir accĂšs Ă  l’eau potable. Installation : des personnes ingurgitent le liquide sans l’avaler et parcourent ainsi plusieurs kilomĂštres jusqu’au Parlement. Un engagement oĂč l’art, la culture sont pensĂ©s en lien avec une Ă©volution sociale ou politique. Toute la dĂ©marche d’Izolyatsia. Explication avec Mikhailo Glubokyi.

Qu’est-ce qui vous a intĂ©ressĂ© dans le projet dĂ©veloppĂ© par Izolyatsia ?
Mikhailo Glubokyi :
Je suis arrivĂ© Ă  Izolyatsia en 2011, donc quasiment depuis le dĂ©but de l’aventure. A Donetsk, c’était le seul lieu qui montrait de l’art contemporain. Il fallait que j’en fasse partie. Ensuite, ce qui m’intĂ©resse avec la fondation, c’est la maniĂšre dont la sociĂ©tĂ© est abordĂ©e. La plateforme accueille des artistes, des curateurs, mais aussi des entrepreneurs de start-up. Elle crĂ©e des passerelles entre ces mondes et offre la possibilitĂ© de partager les expĂ©riences de chacun. Lorsqu’une personne d’un pays Ă©tranger vient en rĂ©sidence, elle Ă©change avec des acteurs locaux. Ces derniers bĂ©nĂ©ficient alors d’un point de vue nouveau, tant sur leur travail que sur le monde. De plus, il y a sans cesse des nouvelles idĂ©es qui Ă©mergent. J’ai un mĂ©tier Ă  part. En fait j’apprends tous les jours, ce qui est rare.

Comment s’est passĂ©e l’arrivĂ©e d’Izolyatsia Ă  Kiev ?
Nous avons Ă©tĂ© extrĂȘmement chanceux. Beaucoup de personnes nous ont aidĂ©s. Certaines personnes sont venues physiquement et ont participĂ© Ă  notre installation. Sur le plan international nous sommes suivis par une communautĂ© d’institutions, d’artistes qui nous ont apportĂ© bien plus que leur soutien. Elles ont alertĂ© les mĂ©dias. Cette solidaritĂ©, tant Ă  l’intĂ©rieur du pays qu’à l’extĂ©rieur, a Ă©tĂ© bĂ©nĂ©fique. Les rĂ©seaux sociaux Ă©galement ont jouĂ© leur rĂŽle en organisant des flash mob. C’étaient des moments touchants. Tout ceci pose une question essentielle pour nous, et que nous nous posons encore, inlassablement : que devons-nous faire ici Ă  Kiev ?

Quel but ou mission principale s’est fixĂ©e la fondation ?
Notre mission principale est de prĂ©server notre patrimoine industriel en le liant Ă  la nouvelle culture numĂ©rique, technologique. Il faut bien avoir Ă  l’esprit que cet hĂ©ritage est important, surtout dans le sud-est du pays. En effet, l’histoire de cette rĂ©gion, le Donbass, c’est le dĂ©veloppement industriel. Jusqu’au dĂ©but du XXe siĂšcle, il existe seulement des petits villages. Et lorsque les gens se sont aperçus qu’il y avait du charbon, puis du minerai de fer, des villes se sont construites. Ensuite il y a eu les aciĂ©ries oĂč la plupart des habitants ont travaillĂ© pendant des dĂ©cennies. L’industrie a façonnĂ© le paysage, les corps, les esprits. Aujourd’hui c’est fini mais son empreinte demeure.
L’une des raisons du conflit provient du manque d’informations et des nombreuses difficultĂ©s Ă  construire une information fiable. En cela, il devient difficile d’établir un dialogue social. Bien que nous soyons situĂ©s Ă  Kiev, nous Ɠuvrons toujours dans cette rĂ©gion. Notamment avec des programmes liĂ©s Ă  l’éducation. C’est un de nos axes de travail : rendre possible le dĂ©veloppement de l’économie, de la culture, de l’environnement afin d’ouvrir un espace de dialogue.

« L’une des raisons du conflit
provient des nombreuses difficultés à
construire une information fiable »

 

Vous pensez que les choses changent, évoluent ?
Comme je vous le disais, ce que j’apprĂ©cie dans mon travail c’est d’avoir une plus grande comprĂ©hension des problĂšmes sociaux, Ă©conomiques et d’envisager des rĂ©ponses possibles Ă  ces problĂšmes. Je pense par exemple Ă  des habitants de Marioupol, un port industriel situĂ© Ă  l’est du pays. En 2016 les habitants ont commencĂ© Ă  faire de l’art. Avant la guerre, l’art n’intervenait pas dans la vie des gens. C’était trop Ă©loignĂ© d’eux, de leur quotidien. Mais aujourd’hui de nouveaux espaces dĂ©diĂ©s Ă  la culture se sont ouverts.

Propos recueillis Ă  Kiev par SĂ©bastien Lecordier

Izolyatsia (Kiev)
[Le cerf en mĂ©tal, unique vestige de Donetsk, placĂ© Ă  l’entrĂ©e d’Izolyatsia Ă  Kiev, dĂ©cembre 2016 – photo : SĂ©bastien Lecordier]

2. Anna Kravets (VCRC) : dépasser le « précariat culturel ukrainien »

« Arts, connaissance et politique » : entretien avec l’une des trĂšs actives bĂ©nĂ©voles du Visual Culture Research Center (Kiev)

Anna Kravets - photo : Olga Ivashchenko
[Anna Kravets dans le cadre de l’exposition « Kinotron », Visual Culture Research Center, Kiev, dĂ©cembre 2016 – photo : Olga Ivashchenko]

Membre bĂ©nĂ©vole du Visual Culture Research Center, par ailleurs traductrice, Anna Kravets, 28 ans, « reprĂ©sente un peu le prĂ©cariat culturel ukrainien, une situation partagĂ©e par beaucoup de jeunes aujourd’hui dans la capitale ». Cela n’empĂȘche pas cette jeune activiste parfaitement francophone de participer Ă  des expositions artistiques ambitieuses. Titulaire d’un master en Ă©tudes culturelles de l’universitĂ© de Kiev, elle s’est Ă©galement enrichie d’un master en anthropologie-sociologie-histoire comparĂ©e obtenu en 2015 Ă  l’EHESS Marseille : « j’avais besoin de prendre de la distance pour ĂȘtre moins submergĂ©e par le contexte politique ukrainien, marquĂ© notamment par les Ă©vĂ©nements d’EuromaĂŻdan et par la guerre dans le Donbass ». Dans le cadre dĂ©calĂ© de l’immeuble anodin oĂč s’est installĂ©e la galerie du Visual Culture Research Centre, Anna Kravets livre avec prĂ©cision sa vision du dialogue culturel euro-ukrainien.

Qu’est-ce que le Visual Culture Research Center ?
Anna Kravets : Le « Centre de recherche sur la culture visuelle » a Ă©tĂ© fondĂ© en 2008 au sein de la Kiev Mohyla Academy, universitĂ© historique de la capitale ukrainienne. Nous produisons des confĂ©rences-dĂ©bats internationaux et des expositions Ă  partir d’une ligne Ă©ditoriale qui s’articule autour des concepts Arts, Connaissance et Politique. Nous pensons que ces trois concepts sont liĂ©s car il n’y a pas d’évolution politique sans Ă©volution des connaissances, lesquelles dĂ©pendent largement des reprĂ©sentations visuelles qui sont produites et vĂ©hiculĂ©es. Au dĂ©but, nous fonctionnions comme un centre de recherche organiquement liĂ© Ă  l’universitĂ©. Mais en 2012, l’administration conservatrice de l’universitĂ© a censurĂ© notre exposition « Le corps ukrainien », ce qui nous a amenĂ© Ă  quitter l’universitĂ© pour nous installer dans un cinĂ©ma. LĂ , des circonstances telles qu’une attaque par un groupe d’extrĂȘme-droite rĂ©agissant Ă  une exposition sur la transsexualitĂ© notamment, nous a nouveau forcĂ©s Ă  dĂ©mĂ©nager dans un local commercial que nous louons dĂ©sormais.
Notre dĂ©marche est Ă  la fois comprĂ©hensive et prospective sur la sociĂ©tĂ© contemporaine. Nous recherchons toujours le mĂ©dium le plus appropriĂ© pour traiter de tel ou tel sujet. Notre exposition « Kinotron » (novembre-dĂ©cembre 2016) met ainsi en lumiĂšre le travail du cinĂ©aste expĂ©rimental soviĂ©tique FĂ©lix Sobolev, originaire de Kharkiv (nord-est de l’Ukraine), pour confronter sa vision du futur Ă  notre monde actuel. Constatant une accĂ©lĂ©ration scientifique Ă  son Ă©poque, Sobolev et son groupe avaient voulu crĂ©er une accĂ©lĂ©ration des imaginaires : oĂč en sommes-nous de ces accĂ©lĂ©rations aujourd’hui ? Nos expositions sont gratuites, nous sommes ouvert/es Ă  tou/tes : c’est selon nous un impĂ©ratif dans un pays oĂč, mĂȘme s’il y a infime minoritĂ© de gens trĂšs riches, le revenu minimum mensuel ne dĂ©passe pas 50 euros. Nous sommes aussi attentifs Ă  dialoguer le plus possible avec la sociĂ©tĂ©, comme nous l’avons fait lors des Ă©vĂ©nements d’EuromaĂŻdan (novembre 2013 – fĂ©vrier 2014) oĂč nous animions une « universitĂ© ouverte » en vue de comparer les diffĂ©rents mouvements d’insurrection en cours dans le monde.

« EuromaĂŻdan et ’’Nuit debout’’, mĂȘme terminĂ©s,
p
erdurent parce qu’ils ont produit des
Ă©changes
fondés sur une aspiration commune

à refonder la société »

 

Vous avez étudié une année en France. Dans quelle mesure les expériences politiques ukrainienne et française récentes vous semblent-elles liées ?
Je pense que comme l’Ukraine, la France vit une pĂ©riode de grands bouleversements. L’Ukraine a Ă©tĂ© profondĂ©ment secouĂ©e par les Ă©vĂ©nements d’EuromaĂŻdan. Plus qu’un soulĂšvement populaire contre le prĂ©sident Viktor Ianoukovitch, ces Ă©vĂ©nements s’inscrivent dans une dynamique comparable Ă  celle des Printemps arabes ou des mouvements Occupy. Ils ont Ă©tĂ© une sorte de fabrique de la politique avec des ateliers spontanĂ©s sur les droits humains, les droits sociaux, les droits des femmes, des actions de solidaritĂ© humaine comme les tours de garde dans les hĂŽpitaux pour protĂ©ger les blessĂ©s des affrontements
 Ce mouvement populaire avait englobĂ© un public trĂšs large, s’inspirant des prĂ©sumĂ©es valeurs « europĂ©ennes », c’est Ă  dire, l’Europe sociale, l’Europe de l’égalitĂ©, mĂȘme si la plupart des Ukrainiens n’ont jamais visitĂ© un pays de l’UE par manque de moyens. Et c’est de MaĂŻdan, cet Ă©vĂ©nement extrĂȘmement inspirant, que sont parties tant d’initiatives culturelles et sociales qui ont cours en Ukraine aujourd’hui.
En France, il me semble que vous avez connu des Ă©vĂ©nements comparables. Il y a eu les attentats de janvier et de novembre 2015, les plus fortes violences politiques que la France ait connues depuis la guerre d’AlgĂ©rie. Et des millions de personnes dans la rue, puis une vague de commĂ©morations sur la place de la RĂ©publique
 laquelle a accueilli, presque en continuitĂ©, un mouvement « Nuit debout » d’expĂ©rimentations sociales oĂč pour la premiĂšre fois, l’hymne europĂ©en a Ă©tĂ© jouĂ© dans l’espace public par un orchestre spontanĂ©. A MaĂŻdan comme Ă  RĂ©publique, il y avait aussi cette notion trĂšs contemporaine de « Media Boom », de connexion permanente sur le web ou Ă  la tĂ©lĂ©vision Ă  ces Ă©vĂ©nements. Et puis surtout ce surgissement d’un rĂ©seau et cette permanence : EuromaĂŻdan et, sans doute dans une moindre mesure « Nuit debout », sont des Ă©vĂ©nements qui, mĂȘme terminĂ©s, perdurent parce qu’ils ont produit des Ă©nergies et des Ă©changes fondĂ©s sur une aspiration commune Ă  refonder la sociĂ©tĂ©.

« La situation politique est telle,
en Europe
et dans le monde,
que nous sommes dans l’obligation
de redéfinir
ensemble ce qu’est le bien commun »

 

Sur le plan culturel, qu’est-ce que l’Europe et l’Ukraine peuvent s’apporter mutuellement ?
L’Ukraine peut apporter beaucoup Ă  l’Europe car, du fait de sa position gĂ©ographique excentrĂ©e et de son expĂ©rience politique particuliĂšre, notre pays produit de nouvelles visions de l’Europe, il invite Ă  rĂ©gĂ©nĂ©rer ses reprĂ©sentations. Or l’Europe est aujourd’hui un peu perdue dans ses valeurs, dans l’imaginaire qu’elle projette d’elle-mĂȘme et de la sociĂ©tĂ©, mais aussi dans la place qu’elle tient dans le monde : continent historiquement trĂšs ouvert, elle essaie aujourd’hui de tenir ses frontiĂšres Ă  l’Est comme au Sud tout en conservant son pouvoir d’attraction. En mĂȘme temps, l’Ukraine aspire Ă  partager les valeurs europĂ©ennes pour avoir un niveau de vie plus digne et une plus grande justice sociale, ce qui contribuerait Ă  la dĂ©gager de sa dĂ©pendance aux intĂ©rĂȘts des oligarques et de tout un rĂ©seau dĂ©lictuel politico-financier liĂ© au rĂ©gime russe actuel.
Mais l’Ukraine a aussi besoin d’Europe car elle a besoin de structurer les initiatives culturelles surgies Ă  MaĂŻdan sur le plan institutionnel et financier. Or l’argent manque aujourd’hui pour la culture dans une Ukraine en guerre : seule l’Union europĂ©enne, certains de ses pays membres et quelques autres acteurs y investissent des fonds. Mais il ne faut pas voir cet argent seulement comme une aide aux jeunes Ukrainiens dĂ©sireux d’expĂ©rimenter dans le champ culturel. Cela va plus loin : nous avons un urgent besoin d’articuler ces expĂ©rimentations et de les lier en projetant un imaginaire social plus gĂ©nĂ©ral, en Ukraine comme en Europe. La situation politique est en effet telle, sur notre continent et dans le monde, que nous sommes dans l’obligation de redĂ©finir ensemble, Ă  partir d’une recherche entre autres artistique sur le sens des expĂ©riences que nous traversons, ce qu’est le bien commun.

Propos recueillis Ă  Kiev par SĂ©bastien Lecordier et Benjamin Bibas

Exposition "Kinotron" - Photo : SĂ©bastien Lecordier
[Exposition « Kinotron », Visual Culture Research Center, Kiev, dĂ©cembre 2016 – photo : SĂ©bastien Lecordier]

1. Irena Karpa, jeune visage de la diplomatie culturelle ukrainienne

Depuis Paris, l’écrivaine et actrice de la diplomatie ukrainienne, Irena Karpa, tente de hisser chaque jour les couleurs culturelles de son pays.

Irena Karpa - photo Patrice Bouvier
[Irena Karpa Ă  Paris, dĂ©cembre 2016 – photo : Patrice Bouvier]

DĂ©cembre 2015. Madame la PremiĂšre SecrĂ©taire auprĂšs du Service culturel de l’Ambassade d’Ukraine Ă  Paris – c’est son titre officiel – dĂ©taille par le menu les photographies de Natalia Liubchenkova et son exposition Donbas Groove, « parce qu’il n’y a pas que la guerre en Ukraine, il y a aussi les gens qui rĂ©sistent, qui organisent leur vie. Comme cet ancien mineur, Ivan, reconverti en agriculteur biologique. » DiplĂŽmĂ©e de l’UniversitĂ© nationale des langues de Kiev, Irena Karpa n’a pas sa langue dans sa poche : « Avec cette guerre menĂ©e dans le Donbass, nous nous sĂ©parons psychologiquement de la Russie. »

NĂ©e en 1980 en Ukraine, Ă  Tcherkassy, une ville situĂ©e sur les bords du Dniepr Ă  200 km au sud de la capitale Kiev, Irena Karpa a beaucoup voyagĂ©. En 2003, elle s’installe en IndonĂ©sie, Ă©crit son deuxiĂšme livre et enseigne dans une universitĂ© locale. Elle en profite pour s’imprĂ©gner d’un nouveau style de vie et collecter de l’expĂ©rience, son leitmotiv.

Génération Maïdan

« EntrĂ©e dans le jeu de la diplomatie sans avoir eu d’appui », Irena parle couramment l’anglais, s’exprime dans un français clair, comme nombre de ses jeunes compatriotes. Avec cette touche d’ironie qui fait aussi le sel de ses Ă©crits, huit Ă  ce jour. « AprĂšs les Ă©vĂšnements d’EuromaĂŻdan (novembre 2013 – fĂ©vrier 2014), beaucoup de personnes issues de la sociĂ©tĂ© civile sont entrĂ©es en politique mais leur ventre est devenu aussi gros que le systĂšme Ă©tait corrompu. » 

Pour Irena, cette rĂ©volution a permis Ă  de nombreuses personnes de prendre conscience qu’ils Ă©taient ukrainiens. Il y a eu une envie de plus grande indĂ©pendance. « Il y a dĂ©sormais le dĂ©sir d’entendre plus de musique ukrainienne, de s’exprimer en ukrainien. Le fait de s’identifier positivement Ă  tout ce qui est ukrainien est un pas vers la libertĂ©. »

« Le fait de s’identifier positivement
Ă  tout ce qui est ukrainien
est un pas vers la liberté »

 

Comment en ĂȘtes-vous venue Ă  prendre la responsabilitĂ© des affaires culturelles Ă  l’ambassade d’Ukraine Ă  Paris ?
Irena Karpa :
Avant ma prise de fonction, en dĂ©cembre 2015, je prĂ©sentais souvent mes livres Ă  l’étranger. J’avais alors beaucoup de difficultĂ©s Ă  comprendre la maniĂšre dont la culture ukrainienne Ă©tait prĂ©sentĂ©e et reprĂ©sentĂ©e. Pour cette raison, je suis allĂ©e proposer mes services au ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres pour travailler Ă  Paris. AprĂšs les Ă©vĂ©nements d’EuromaĂŻdan et la destitution du PrĂ©sident Viktor Ianoukovitch, il est devenu possible pour des personnes issues de la sociĂ©tĂ© civile de s’impliquer dans les affaires du pays.

Dans quel contexte politique exercez-vous vos fonctions ?
Pour ĂȘtre tout Ă  fait franche, c’est compliquĂ© d’avoir de l’argent de l’Etat et c’est encore plus compliquĂ© de savoir d’oĂč provient l’argent lorsqu’il est privĂ©. Normalement, nous avons un budget pour valoriser l’image de l’Ukraine. Mais, jusqu’en 2016 en tout cas, il est si faible et le fonctionnement administratif si lointain que je suis dans l’impossibilitĂ© de payer un billet d’avion ou de payer une chambre d’hĂŽtel. C’est pourquoi je dois aller chercher d’autres sources de financement.
Pourtant, il n’y a rien de mieux que la diplomatie culturelle pour reprĂ©senter de maniĂšre positive l’image d’un pays. Si les hommes d’Etat ukrainiens comprenaient ce qui se joue ici, ils financeraient plus et mieux. Or rares sont les oligarques qui veulent le faire. La Russie l’a trĂšs bien compris. Elle investit dans le soft power, comme c’est le cas avec l’exposition « Kollektsia ! » qui se tient Ă  Beaubourg actuellement (jusqu’au 27 mars 2017). Pourtant, il existe bien une scĂšne artistique et culturelle ukrainienne de qualitĂ© que j’aimerais tant faire dĂ©couvrir, montrer.

Quel est le rîle d’une diplomate culturelle ukrainienne dans une capitale telle que Paris ?
Mon rĂŽle est de prĂ©senter les actions culturelles de mon pays en France. Pour cela, nous organisons des concerts, des expositions, des festivals. Nous utilisons chaque possibilitĂ© pour rehausser l’image de l’Ukraine. Pour ma part, je veux montrer deux choses : que l’Ukraine est un pays europĂ©en ; et que l’art contemporain, la poĂ©sie, la littĂ©rature, la musique, la culture ukrainiennes existent bel et bien. Nos choix artistiques reposent sur la qualitĂ© des Ɠuvres.

Quels sont vos objectifs ?
D’un point de vue gĂ©nĂ©ral, je veux Ă©tablir un systĂšme d’échanges culturels entre nos deux pays. Cela marche trĂšs bien avec l’Allemagne : moi-mĂȘme, j’ai obtenu une bourse pour aller rĂ©sider et Ă©crire dans ce pays. Et lorsque tu reviens, tu as acquis de l’expĂ©rience.
C’est pour cela que je souhaite crĂ©er une bourse pour les traducteurs internationaux qui travaillent sur la littĂ©rature ukrainienne. C’est important que les traducteurs se dĂ©placent en Ukraine pour comprendre Ă  quelle rĂ©alitĂ© l’auteur fait rĂ©fĂ©rence. Ils doivent en faire l’expĂ©rience.
Un autre axe de travail pour moi, c’est de faire se rencontrer des Ă©diteurs ukrainiens et des businessmen internationaux, car c’est trĂšs compliquĂ© de recevoir de l’argent de l’Etat ukrainien. Afin de pouvoir faire venir des artistes et des Ă©crivains ukrainiens entre autres ici, en France.
Enfin, j’aimerais beaucoup prĂ©senter au Palais de Tokyo 25 annĂ©es de la scĂšne artistique ukrainienne dans un cadre vivant et convivial : avec de la cuisine locale et un festival de Minimal Techno.

Propos recueillis Ă  Paris par SĂ©bastien Lecordier

Irena Karpa et SĂ©bastien Lecordier - photo Patrice Bouvier
[Irena Karpa et SĂ©bastien Lecordier au Centre culturel ukrainien Ă  Paris, dĂ©cembre 2016 – photo : Patrice Bouvier]

[Photographie de fond : Kiev, dĂ©cembre 2016 – photo SĂ©bastien Lecordier]

Coordination
Francky Blandeau
(Institut français)

Textes
SĂ©bastien Lecordier
Stéphane Siohan
Benjamin Bibas

Photographies
Olga Ivashchenko
Patrice Bouvier
SĂ©bastien Lecordier